«Que peut la danse pour les corps fragiles ? » Cette semaine, nous avons suivi la conférence organisée par l’ISDAT[1] et animée par la brillante Isabelle Ginot[2].
Une « déambulation auditive et visuelle » accessible à tous, qui nous plonge dans de multiples expériences : D’abord, nous sommes invités à fermer les yeux pour faire appel à nos sens, nos souvenirs, nos présupposés. Puis nous glissons vers un ensemble de réflexions qui nous conduisent peu à peu vers des champs de plus en plus larges : l’intention artistique, le cadre du projet, ses acteurs, son public, son contexte, ses contours, ce qu’il suppose et vers quoi il peut tendre…Enfin, les propos sont ponctués d’extraits vidéos assez bouleversants qui créent et font sens lorsqu’ils nous invitent à nous faufiler dans la peau des uns et des autres…
« Prendre soin » c’est aussi cela : se laisser guider et accepter de traverser un ensemble de situations, se défaire d’un ensemble de postures…
« Prendre soin » c’est surtout refuser une vision du monde selon laquelle on mettrait à distance certains vivants, jugés différents, éloignés des normes de productivité imposées à tous, dans des espaces fermés ou « non communs »…
Les projets spécifiques imaginés par les artistes doivent dès lors faire prendre conscience aux acteurs culturels qui les entourent que cette croyance en un art qui créé du « commun » repose d’abord sur l’idée qu’il serait normal de ne pas pouvoir « vivre ensemble » ; Peut-on imposer à la danse une fin extérieure à elle-même ? la réduire à un rôle, un objectif ? Est-il encore possible de s’extraire de cette injonction « du social » avec les politiques culturelles ? Comment penser le rôle de l’artiste lui-même ? Devient-il un guérisseur de tous les maux de la société lorsque le projet artistique est envisagé et conçu comme un projet thérapeutique ?
L’enseignante-chercheuse Julie Perrin repense les contours et les périmètres de la notion de projet en danse en parlant de « chorégraphie située »[3], de projet « alter-situé » pour décrire la danse qui se construit avec, dans, par des situations. Cette conception de la danse nous parle bien au-delà des projets menés dans le cadre des institutions de la santé car elle s’applique aussi dans le cadre scolaire à notre sens : comment désacraliser la situation de spectaculaire ? Comment distinguer les contours des catégories « atelier », « performance », « spectacle », « création », « valorisation », « élèves-danseurs », « spectateurs-danseurs », « patients-danseurs », « professeurs-artistes », « apprenants-détenteurs des savoirs », « danseurs-participants » : quelques soit les lieux et « les objets-ctifs », il n’y a pas de vie sans expérience perceptible, sans imaginaire, sans exploration du corps sensible, sans l’éveil et le partage simple…
Peu importe de savoir si cela « fera spectacle » ou « résoudra concrètement » un « quelconque » problème de société . La danse est à elle-même sa propre fin : rêver ensemble et confier aux objets et aux personnes en présence, des puissances poétiques pour exister…
Une conférence à découvrir sur ce lien : https://youtu.be/wDVrDxp-9iU
Et, pour aller plus loin, on vous invite à découvrir notamment le travail de la A.I.M.E et des multiples projets impulsés par la chorégraphe Julie Nioche ici : http://www.individus-en-mouvements.com
En attendant, « prenez soin » de vous et des autres vivants…
[1] Institut Supérieur des Arts de Toulouse [2] professeure au département danse de l’université Paris 8 et co-fondatrice de A.I.M.E [3] https://hal-univ-paris8.archives-ouvertes.fr/tel-02208299
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